Quand « l’heure du dodo » tourne au cauchemar … Pourtant, dormir est naturel, nous pourrions même imaginer un enfant allant se coucher seul, ou demander à être accompagné pour aller au lit, sentant les signes annonciateurs du sommeil : bâillements, décontraction musculaire, baisse de vigilance … Mais, dans nombre de situations, cette phase entre l’éveil et le sommeil est source de tensions et d’énervement, de crises et de colère, tant pour les parents que pour les enfants. Beaucoup d’enfants et de parents vivent ce moment comme un conflit. Et c’est souvent difficile à résoudre une fois installé.
Je vais essayer de vous donner quelques clés de compréhension et des pistes pour faire face à ce problème.
Ces propositions s’adaptent à l’âge. Ici, ils s’adressent plus à des enfants entre dix-huit mois et 4 ans.
COMPRENDRE CE QUI SE PASSE :
Aller se coucher, c’est se séparer ; C’est accepter d’entrer dans un autre temps de la vie où chacun est seul avec son corps et sa vie interne, avec ses pensées, ses émotions. Chacun dès le plus âge doit composer avec cet état d’abandon et l’apprivoiser pour se laisser sombrer dans le sommeil. Il faut pour cela se sentir en sécurité, être tranquille, savoir que rien ne pourra se passer de mauvais à son insu. Se faire confiance à soi-même, et faire confiance à son environnement pour créer ce moment propice à l’endormissement. Si l’enfant sent une insécurité, quelle qu’elle soit, il mettra en place des comportements pour rechercher de la sécurité et compenser ce qu’il ressent comme une perte ou une fragilité qui pourrait lui être dommageable. Dans la situation du couché, ce sont souvent des moyens pour lui d’attirer l’attention (c’est à dire garder les parents avec soi), et de reculer l’échéance de la solitude.
Quand ce temps du couché devient pénible, un fonctionnement inadapté se met en place, et devient une habitude de relation et de communication. Tous les soirs le même scénario se répète : c’est « la guerre » pour mettre le pyjama, pour aller dans le lit, puis il faut raconter plusieurs histoires, un verre d’eau, donner plusieurs jouets et revenir, et des gémissements, des câlins, et ça ne va jamais, et se fâcher, les pleurs succèdent aux cris, etc… C’est la tension et l’énervement, la bataille qui sont devenus des rituels. Une sorte de mécanique bien huilée ou chacun joue sa partition … mais de travers … Tout le monde s’énerve, ce moment finit par être redouté, ce qui crée des tensions que l’enfant perçoit parfois avant même les parents.
Cela s’est installé parfois s’en même s’en rendre compte … Et un jour on se rend compte que c’est comme ça tous les soirs, parfois avec des petites variantes selon si c’est papa ou maman qui couche bébé et cela n’arrange pas les affaires… Des tensions dans le couple venant s’ajouter sur la pile !
UN CONSTAT :
Le premier constat c’est que nous n’apprenons pas à nos enfants à être responsables de leur sommeil. Leur apprendre à reconnaître ses signes et le besoin d’aller dormir qui vont avec, pour qu’ils apprennent à se préserver, à prendre soin d’eux –même. Cela vous semble peut-être surréaliste mais nombre d’actions visent à rendre les enfants dépendants plutôt que responsables de leur corps et des décisions les concernant. Nous devrions certainement commencer par faire en sorte que l’enfant repère ces temps annonciateurs du sommeil : « tiens, tu viens de bailler, qu’est-ce que cela veut dire ? » Et attendre la réponse de l’enfant s’il la connait, ou lui expliquer que son corps l’informe du besoin de se reposer pour récupérer… Responsabiliser l’enfant dans son rapport à son propre corps, à sa vie. Éduquer, c’est accompagner les prises de conscience de ses sentiments, de ses besoins pour viser l’autonomie et se projeter. Bon une fois que ce propos général posé, cela ne fait pas toutes les solutions ! L’endormissement n’en reste pas moins un moment fragile et de solitude.
QUELQUES PISTES A EXPLORER :
TROUVER ET GARDER UN RYTHME ET DES HORAIRES STABLES : un petit enfant a besoin d’avoir un rythme très régulier : manger aux mêmes heures, avoir ses affaires à lui, se coucher tous les soirs à la même heure (à peu près bien sûr, il ne s’agit pas de tomber dans la rigidité). L’enfant peut connaitre cette heure, ainsi quand elle approche, il est possible de le prévenir qu’il va aller se coucher… tout le monde se prépare, les parents aussi vont faire une place dans leur emploi du temps du soir pour consacrer une bonne demi-heure à ce moment.
REPETER et RITUALISER : les rituels ont un rôle précieux qu’il ne faut absolument pas négliger pour le développement de l’enfant. Je fais un éloge de la répétition : l’enfant se construit aussi en répétant. Il en a besoin. Il aime entendre et réentendre les mêmes histoires, poser les mêmes questions pour jouer de leurs réponses, et même si parfois nous aimerions changer un peu les choses, nous qui sommes en capacité de nous adapter vite (mais dans les faits, combien d’adultes ne supportent pas ou freinent les changements … ?) l’enfant a besoin de répéter, d’avoir des repères sur lesquels s’appuyer pour apprendre. Cela s’appelle des rituels. Une chose en appelle une autre, toujours la même … le mercredi c’est frites ! Le samedi c’est le bain, le soir c’est une histoire puis le lit, etc… Et c’est important à mettre en place et à conserver. La vie amène beaucoup de changements, il est nécessaire d’avoir des moments et des objets qui ne changent pas. Le petit enfant pourra se développer tranquillement.
RASSURER : Outre les rituels cités précédemment, très rassurants, prévenir l’enfant de ce qui va se passer est un autre élément clé de son sentiment de sécurité. Il n’a pas encore la possibilité de prévoir les événements, saisir le temps qui passe ; Il est nécessaire de l’accompagner dans cet apprentissage et de prévenir de ce qui va se passer, ce qu’il va avoir à faire. Le temps d’aller au lit est un moment calme et joyeux, qui se prépare : il est bientôt l’heure, puis, il est l’heure d’aller se coucher, puis, de quoi tu as besoin : de l’eau, de la lumière ? Etc…
CRÉER UN ENVIRONNEMENT CALME : Si avoir une activité motrice est fondamentale pour l’intelligence de votre enfant, ce n’est plus l’heure pour s’agiter et faire des sauts ou des bonds ! Eviter les stimulations motrices ou mentales (les écrans par exemple) permet au corps de ralentir et de diminuer son activité mentale. La création d’un environnement calme est à réfléchir. La chambre doit être un endroit où il se sent bien. Par exemple ce n’est pas un endroit où il sera puni, au risque qu’il associe la chambre, le sommeil à un moment pénible pour lui.
Le temps de lecture conjointe, à deux, est plaisant et a beaucoup de vertus : il communique des valeurs, des réponses à des situations problématiques du développement. Il permet aussi à l’enfant d’apprendre à lire pour soi, à exprimer ses sentiments, à manipuler le livre et son savoir. Sur ce temps il est autorisé de revenir en arrière, de redire les mêmes choses et de partager avec papa ou maman un moment précieux d’échange et de partage.
L’enfant doit être mis au lit éveillé, il lui reviendra in fine de trouver ce qui lui permettra de s’endormir.
ET SI ÇA SE CONTINUE A MAL SE PASSER :
Malgré ces informations, tout ce que vous avez lu et vos différents essais, ce temps reste très compliqué et une souffrance s’installe pour tout le monde ? Il est préférable de ne pas rester avec cette charge, mais au contraire d’aller en parler pour trouver des solutions. Échanger et travailler avec un thérapeute spécialisé et être aidé. Il y a toujours des améliorations et des solutions à trouver. C’est parfois un peu long mais on y arrive toujours. Trouver de l’apaisement dans les tensions c’est s’offrir et offrir une vie confortable.
QUELQUES QUESTIONS A SE POSER SI LES PROBLÈMES PERSISTENT ? ET QUI PEUVENT CONDUIRE A VOIR UN PSYCHOTHÉRAPEUTE SPÉCIALISE EN EDUCATION ?
– Quel est votre propre rapport au sommeil ? Au moment d’aller se coucher ?
– Etes-vous disposé à prendre ce temps de la mise au sommeil de l’enfant, (qui doit en tout prendre entre une demi-heure et une heure maximum ?) ou avez-vous le sentiment de vouloir vous en débarrasser pour passer à autre chose, être enfin tranquille après une journée déjà bien remplie ? Quelle est vraiment votre intention en mettant votre enfant au lit ?
– Avez-vous des difficultés à quitter votre enfant ?
– Ce problème de coucher est-il récent ou existant depuis longtemps ?
– Y a-t-il eu un événement particulier dans vos vies dernièrement ?
– A quel âge cela a commencé ? Il y a des âges « charnières pour les enfants », ou des changements psychologiques, sociaux peuvent arriver, il faut en tenir compte dans les habitudes, les échanges, s’adapter …