Pour citer cet article : Renard karine, Le soin en espace snoezelen, partie 1, ressource électronique, site personnel de l’auteure : https://lescarnetsdesentiers.com/2019/03/13/le-soin-en-espace-snoezelen-partie-1/, mars 2019, np
Toute reproduction et citation est autorisée à condition de citer son auteure …
Introduction
J’ai exercé pendant dix années en espace snoezelen. Je débuterai cet article en partie 1 en reprenant les éléments fondamentaux de la démarche Snoezelen, puis j’évoquerai la manière dont je l’ai utilisée et vécue sur un plan organisationnel. J’ai également formé des professionnels soignants et éducatifs pendant plusieurs années. Le snoezelen n’est pas une méthode de travail, c’est une démarche. En ce sens cela signifie qu’il y a beaucoup à y mettre de soi, en tant que professionnel attaché à des principes, à une technique mais également en tant que personne car dans ce lieu c’est le lien à l’autre qui va être sollicité, avec son cortège d’engagement corporel, de sensations, et de sentiments d’émotions. C’est un lieu singulier à penser pour l’utiliser au mieux dans une démarche soignante au sens large.
En partie 2 (à venir …) je tracerai une expérience de soins auprès de deux jeunes adultes autistes.
Origine de la démarche :
Snoezelen est un concept qui date des années 70, initié aux Pays Bas. C’est avant tout une philosophie globale de l’approche de la personne. Cette approche est basée sur l’écoute et la disponibilité à l’autre, quels que soit son handicap, ses capacités, son âge…
SNOEZELEN est la contraction de deux mots : SNUFFELEN qui signifie flairer, fureter … et DOEZELEN qui signifie un état de langueur indéfinissable, une somnolence. Snoezelen est une alliance : celle de la détente, d’un relâchement et d’une tonicité, d’une envie de rechercher et de s’approprier de nouvelles sensations.
Une salle dédiée :
La démarche Snoezelen se matérialise dans un espace communément appelé « espace Snoezelen » ou « espace sensoriel ». C’est une pièce qui doit être suffisamment grande à mon sens pour s’y retrouver à plusieurs personnes, plongée dans la pénombre pour faire ressortir les éléments lumineux qui vont s’y trouver (mais on doit pouvoir mettre de la lumière, ouvrir une fenêtre si possible afin qu’elle ne devienne pas anxiogène). Cette pièce est confortable, chaleureuse, des matelas, coussins, couvertures sont présents et adaptés aux handicaps et aux incapacités des personnes accueillies.
Des jeux de lumières spécifiques apaisants sont installés et procurent une tranquillité en même temps qu’un certain mouvement. L’espace symbolise l’état d’esprit particulier à cette démarche. La personne accueillie peut tour à tour, se détendre, ne rien faire ou répondre à des sollicitations, à une envie de recherche, de nouveauté.
Le matériel est important, il peut s’acheter pour une part ( la colonne à bulle, les fibres optiques, l’appareil musical par exemple sont importants pour poser l’ambiance » mais il ne faut pas négliger tout ce que l’on peut fabriquer ou détourner. Il est aussi important d’avoir du petit matériel qui ne sert pas à chaque séance mais que l’on utilise au gré des envies, des projets personnalisés. En tant que professionnel investi dans la démarche, on apprend vite à repérer les objets qui « sont Snoezelen », entendons par là qu’ils sont des « porteurs sensoriels » et souvent émotionnels.
Des pôles d’assises sont installés dans l’espace pour que chacun puisse trouver une place confortable. Par exemple un pôle autour de la colonne à bulle, un pôle fauteuil relaxant avec une assise également pour le professionnel, un pôle sur le lit à eau (appareil à réserver dans les grands espaces et à bien réfléchir selon la population accueillie, des personnes très dépendantes nécessiteront des aides à la mobilité).
Avec des enfants ou des adultes sans handicap physique, un coin de l’espace peut être empli de matelas qui offrent une forme de convivialité et de mouvement appréciable.
Les objectifs de travail en espace snoezelen sont adaptables mais il est important de saisir que cet espace est un support de travail. S’il possède ses qualités propres, le professionnel qui accompagne des personnes en snoezelen conserve ses fonctions et son savoir-faire, son métier. Il le déplie dans cet environnement particulier qui devient une sorte de terreau fertile du métier.
Le moment passé
Nous recherchons la paisibilité, la tranquillité en espace Snoezelen, elle va permettre à la personne d’accueillir tranquillement les propositions éventuelles que nous lui faisons par la suite et de libérer ses fonctions cognitives. La personne accueillie est bien sûr toujours libre d’accepter ou de refuser ce qui lui est proposé. Le corps, les sens et l’expression sont la colonne vertébrale de la démarche Snoezelen. La vue, l’ouïe, l’odorat et le toucher sont amplement sollicités dans l’espace. Nous proposons par exemple des exercices tactiles, des massages de confort relaxants, des musiques qui permettront d’évoquer des souvenirs, les exercices s’adaptent à chaque personne, le professionnel s’ajuste à l’Autre et non le contraire. Le petit enfant jouera avec les jeux de lumière, la personne âgée reconnaîtra les odeurs par l’intermédiaire de flacons prévus à cet effet et nous pourrons échanger sur les souvenirs. Des bains de pieds, de mains peuvent être proposés. Le panel des possibles est infini et chaque acteur de ce moment en salle est invité à faire preuve de créativité sensorielle.
Pour quels bénéficiaires ?
Le travail en espace Snoezelen s’adresse par principe à tous. Bien sûr il faut être à l’écoute des particularités de chacun, l’accord du médecin responsable dans la structure est nécessaire. A ce jour dans ma pratique, je ne peux et en veut pas dire « Les personnes porteuses de telle pathologie ne peuvent pas venir en espace Snoezelen ». C’est la personne accueillie qui guide, qui vous signifie qu’elle est bien ou qu’elle veut sortir de la salle… Mais croire que l’espace Snoezelen convient à tous est une erreur. Nombre de personnes sont inquiétées par sa pénombre, son aspect fermé. J’ai vu une professionnelle en formation qui à peine entrée, est ressortie en me disant « c’est un ventre votre truc, je reste pas ici » ; ou cet adolescent autiste à qui j’ai ouvert la porte de l’espace, qui y a jeté un œil et s’est rué sur mon bras toutes mâchoires ouvertes et les a refermés dessus… mais en dehors de ces situations extrêmes l’écoute et l’adaptation fine à la personne, à tous ses moyens de communication (la communication non verbale est essentielle) est capitale. Guetter et prendre en compte les petites choses, les micromouvements, les frémissements du corps deviennent essentiels.
Le fonctionnement en espace Snoezelen :
L’espace Snoezelen est un lieu pour tous les professionnels du soin et de l’éducation. Quand j’intervenais en tant que formatrice sur ce thème, j’aimais insister sur l’importance pour les soignants du « quotidien » à investir cet espace. C’est pour eux l’occasion de découvrir et de partager un moment différent avec la personne, un moment où la relation s’apaise, sans technicité mais en privilégiant les aspects relationnels des échanges, où chacun peut profiter, ensemble. C’est un endroit où nous prenons pleinement le temps consacré à la séance. Nous avons le temps de nous asseoir ensemble, d’être l’un avec l’autre, l’un pour l’autre. Cette disponibilité va permettre l’émergence de nouvelles relations et renforce la relation de confiance indispensable au soin de qualité, efficace. Ce temps tissé à cet endroit perdure en extérieur de la salle. La qualité du lien entre les accompagnants et les accompagnés s’en trouve renforcé. Ici, nous ne sommes pas pressés, le temps est notre allié pour acquérir ou retrouver de nouvelles expériences et sensations. Les séances en espace Snoezelen offre un temps hors du temps.
Le concept Snoezelen se décline dans une certaine philosophie de vie, une façon d’entrer en relation avec d’autres personnes dans un endroit protégé, avec un respect fondamental de l’humain et de ses choix, ses désirs et de ses possibilités. Cette façon de vivre la relation ne se limite pas à l’espace Snoezelen mais à partir des moments vécus en espace une autre manière d’être peut émerger et fructifier.
Généralement j’utilisai et je recommande des séances avec 2-3 personnes accueillies et 2 professionnels. Les séances en binômes (1 professionnel /1 personne accueillie) sont plus délicates à manier, elles nécessitent une analyse de la pratique (bienvenue également avec des groupes !), la relation duelle est vite soumise à des enjeux psychologiques différents de ceux du groupe, ou c’est peut-être à réserver aux thérapeutes, psychologue, psychomotricien. Mais la taille de l’espace conditionne aussi le nombre de personnes accueillie.
De façon générale, une formation des professionnels est vraiment recommandée pour saisir et surtout faire l’expérience pour soi du sensoriel, de l’émotionnel qui est en lien et le partage avec les autres. L’expérience de la formation souligne également la compréhension de la différence, du fait que chacun ressent différemment. Le professionnel pourra aussi juger de la pertinence pour lui d’accompagner dans cet espace. Et savoir le refuser si ça ne lui convient pas et qu’il pense pouvoir exploiter ses compétences professionnelles de façon plus adaptée dans un autre contexte d’activités.